Le "Manifeste des 313" : "Je déclare avoir été violée"
En France, une femme est violée toutes les 8 minutes. Le viol est un fait banal, massif. Il détruit physiquement et moralement. Et pourtant, il relève du tabou. On peut raconter dans un dîner entre amis ou à ses collègues de bureau que l’on a été victime d’un attentat, que l’on a perdu un proche ou subi un cambriolage. Avec le viol, silence radio. Cet acte touche à la sexualité et la suspicion n’est jamais loin. Le viol est un crime dans lequel la victime se sent coupable, honteuse.
Trop de stéréotypes entourent le viol. Dans l’imaginaire collectif, il se déroule dans une ruelle sombre et est perpétré par un inconnu physiquement menaçant. Dans la vraie vie, les violeurs sont le plus souvent connus de la victime et leur arme ressemble plus au chantage affectif qu’à un couteau, à la menace professionnelle ou financière qu’à un pistolet. Là se niche toute la complexité de ce crime qui s’inscrit dans un rapport de domination historique, celui du masculin sur le féminin.
Ne pas pouvoir dire ce que l’on a vécu rajoute à la violence subie et contribue à l’impunité des violeurs. Seul un viol sur huit environ fait l’objet d’une plainte. Il est temps de libérer la parole, condition sine qua non pour en finir avec le viol. Nous voulons briser le silence sur ces millions de femmes violées. Je déclare que je suis l’une d’elles. Je déclare avoir été violée. Le dire publiquement, ensemble, est un acte politique. Ce manifeste est une interpellation des pouvoirs publics et de la société tout entière pour favoriser l’émergence de notre parole, ici et maintenant".
"Je déclare avoir été violée" : "l'Obs" lance le manifeste des 313
"Je déclare avoir été violée" : "l'Obs" lance le manifeste des 313
Chaque année en France, plus de 75.000 femmes, et presque autant d'enfants sont victimes de viol. Soit un viol toutes les huit minutes. Des drames banals, noyés dans la honte, que subit ou subira pourtant 1 femme sur 10 au cours de sa vie. Il faut se rendre à l'évidence : loin du fait divers, c'est un fait de société sourd, qui frappe tous les milieux sociaux. Et recèle son lot de vérités inavouables.
Sait-on que 80% des viols restent aujourd'hui commis par un proche, conjoint, amant, père, grand-père, ami de la famille ou patron ? Nous voilà loin du cliché où le violeur est un psychopathe armé et violent, qui traîne sa victime en minijupe dans une rue sombre.
Comme il le fit en avril 1971 en faveur de l'avortement, "le Nouvel Observateur" publie aujourd'hui un manifeste pour que notre société ouvre enfin les yeux sur la vérité du viol en France, un scandale massif qui appelle une mobilisation urgente. Pour la première fois, des centaines de femmes déclarent ensemble avoir été violées. Elles signent aujourd'hui le "manifeste des 313".
De la joueuse de tennis Isabelle Demongeot à l'ancienne épouse de l'ex-Premier ministre Marie-Laure de Villepin en passant par l'auteur et scénariste Frédérique Hébrard, elles ont entre 18 et 87 ans. Dans les semaines qui viennent, elles seront des centaines, mues par le courage, à s'engager pour que la honte change de camp. A l'origine du texte et première signataire, Clémentine Autain s'affiche (voir son interview en vidéo). "Après l'affaire DSK, des femmes ont osé parler, le voile s'est un peu levé, je ne voulais pas qu'il retombe, explique-t-elle. Il faut en finir avec l'hypocrisie des images d'Epinal, le viol est un fait social qu'il faut maintenant prendre à bras-le-corps." Et il y a du travail.
Elsa Vigoureux - Le Nouvel Observateur
En 1971, 343 femmes ont reconnu dans "le Nouvel Observateur" avoir avorté. Elles sont aujourd'hui 313 à déclarer avoir été violées. Un acte politique, lui aussi.
"Le Nouvel Observateur" du 22 novembre 2012 (Le Nouvel Observateur)
Tout est dit pour les prochains mois… Indélébile mais éditable, le Manifeste – à la différence de celui des 343 – peut indéfiniment être rejoint. Pour signer le Manifeste, il vous suffit d’écrire à violmanifeste@nouvelobs.com.
Elles ont déjà signé le Manifeste :
Clémentine Autain, 39 ans, femme politique ; Frédérique Hébrard, 85 ans, écrivain et scénariste ; Isabelle Demongeot, 46 ans, ex-championne de tennis ; Caroline de Haas, 32 ans, conseillère au ministère des Droits des femmes, Marie-Laure de Villepin, 50 ans ; Marie Pauline Ferrari, 51 ans, vice-consule à l’ambassade des Seychelles ; Lea Belek, 43 ans, directrice de clientèle dans la publicité ; Caroline Sinz, 49 ans, journaliste...